Si vous voulez apprendre à faire un film, si vous voulez comprendre comment on tourne un film, je vous recommande de visionner le film de François Truffaut « La Nuit Américaine« .
La Nuit Américaine de François Truffaut est à mon sens le plus beau film qu’on ait jamais pu faire sur le sujet : comment fait-on pour fabriquer un film ? , sur les métiers et l’univers du cinéma, la passion du cinéma. Je dirais même, le plus beau film sur le cinéma. Peut-être avec Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore. Mais Cinema Paradiso, parle de la cinéphilie en salles, du métier de projectionniste, de la magie des salles de projection cinéma, alors que La Nuit Américaine nous emmène sur le tournage d’un film : c’est un film de passionné, fait pour des passionnés, et qui raconte du début à la fin le déroulement d’un tournage dans ses moindres détails, avec ses joies et ses aléas.
Certes, des réalisateurs de tous pays , comme Federico Fellini, Woody Allen, Claude Lelouch… ont proposé également des films ou des moments dans leurs films, montrant dans une mise en abîme certains aspects du cinéma, ils ont écrit des personnages de fiction exerçant dans les métiers du cinéma et sur des tournages, mais qui font tout de même partie d’une autre histoire.
Dans ce film, par contre, il n’est question, du début à la fin, que du tournage d’un film. Ce film est intitulé Je vous présente Paméla.
La Nuit Américaine est en fait presque un document visuel sur les coulisses du cinéma. Il peut être regardé comme ce qu’on appelle aujourd’hui un «making-of» ( avec un seul f ! 🙂 ) C’est-à-dire un récit racontant le tournage du film, que l’on trouve souvent en bonus sur les DVD ou Blu Ray. C’est un puits de renseignements sur le sujet…
Ce film est aussi un hommage au cinéma, le plus beau qu’on puisse lui faire : même si cela peut déconstruire et enlever une part de rêve à certains, le film nous embarque avec jubilation dès la première scène dans les coulisses et la magie du cinéma, pour révéler au public de quelle manière on s’y prend pour tourner un film. C‘est un cadeau que Truffaut nous fait. On pourrait même dire qu’il nous offre une sorte de documentaire sur la manière dont il tourne tous ses films. L’ambiance d’un plateau de cinéma est reconstituée et on tient compte des contraintes de la vie personnelle de chacun des protagonistes : histoires d’amour plus ou moins heureuses internes au tournage, certains acteurs sont en dépression, l’un d’eux trouve même la mort en plein tournage. Le film raconte aussi la vie privée de l’équipe du film, et montre la complicité et les émotions de « la grande famille du cinéma ».
Dans l’un des rôle principaux, Alphonse, on retrouve l’acteur fétiche de François Truffaut , son double dans la série des Antoine Doinel : le comédien Jean-Pierre Léaud, qui fait couple ici avec la comédienne et chanteuse Dany, dans une histoire d’amour très décevante, et pour cause : Dany joue le rôle d’une stagiaire scripte qui est la seule personne de toute l’équipe à ne pas aimer le cinéma avec passion.
À travers le personnage de Jean-Pierre Léaud, François Truffaut pose une première question qui reste plutôt sans réponse, exceptée celle d’Alexandre, (joué par Jean-Pierre Aumont) : « Est-ce-que femmes sont magiques ? » Cette question, le réalisateur se la pose dans la réalité.
Le truculent Bernard Menez, habitué aux comédies légères, joue ici un rôle et un métier du cinéma important et essentiel : celui d’accessoiriste de plateau.
Quant au rôle de Jean-François Stévenin, il connait si bien son métier ou il joue si bien son rôle, qu’on le considère facilement comme aussi bien comme l’assistant-réalisateur du film Je vous Présente Paméla ( le film dans le film) que du film La Nuit Américaine. En fait, il est le deuxième-assistant réalisateur du VRAI film ! ( j’aurai l’occasion de vous expliquer la différence entre ces deux fonctions sur un plateau de tournage) Il sera d’ailleurs assistant-réalisateur sur d’autres films de François Truffaut, avant de faire la carrière de comédien qu’on lui connait. ( Ci-dessous Jean -François Stévenin tient un mégaphone dans sa main, aux côtés de François Truffaut et de la toute jeune Nathalie Baye)
Mais la grande question que pose Truffaut à travers son film et au-delà ( il se l’est posée toute sa vie) est bien celle-ci : « le cinéma est-il plus important que la vie? »
À cette question qui n’est pas anodine j’ai longtemps été tenté comme Truffaut de répondre oui. Car le cinéma est une telle passion telle qu’elle peut vous amener par exemple à se priver provisoirement de manger ou à faire passer le cinéma avant toute chose, y compris avant les priorités de la vraie vie.
Pour finir le montage de mon premier court-métrage lorsque j’étais en classe de 3e, à 14 ans, je me rappelle être resté tout seul sur la table de montage ( en pellicule Super 8 !) Alors que mes collègues du club cinéma faisaient une pause pour manger… je n’arrivais pas à m’arrêter….Il fallait finir le film pour la date de la fête de fin d’année absolument. Et, pour moi, le cinéma était plus important que tout…
Truffaut avait l’habitude de citer cette boutade assez parlante de l’état d’esprit d’un cinéaste passionné : Lorsqu’une guerre mondiale éclate, la seule question qu’un réalisateur se pose, c’est : « Comment vais-je pouvoir terminer mon film ? » !!
D’ailleurs quant on parle de cinéma, pour Truffaut, ce sont deux choses complémentaires et indissociables qu’il faut très nettement distinguer : c’est à la fois voir des films mais aussi faire des films ! Prendre soi-même la caméra, écrire un scénario et tourner son propre film. Truffaut faisait des films mais a commencé par être un spectateur assidu et voir plusieurs films par jour en salle dès son plus jeune âge… ( puis ensuite avec ses collègues de la Nouvelle Vague)
En tant que spectateur aussi, lors d’une projection d’un film qui nous émeut particulièrement, nous fait rire, attise nos peurs, nous fait réfléchir, ou méditer sur notre vie ou nos actes, le cinéma nous donne parfois des satisfactions plus importantes, un bonheur plus grand, que nos petits tracas de la vie de tous les jours. On emploie souvent l’expression » aller au cinéma pour s’évader »
C’est dans cette attitude très cinéphile et cinéphage ( « mangeur de cinéma » plusieurs films par jour! ) que François Truffaut m’a inspiré. Très tôt dans ma vie ( dès l’adolescence) j’ai eu envie pas seulement de regarder des films mais d’en faire…
Et en même temps c’est très lié, car pour apprendre le cinéma une des premières leçons c’est de regarder, regarder, regarder et regarder encore des films ! Pour apprendre des plus grands cinéastes, non pas pour les copier mais pour connaitre ce qui existe, expérimenter et apprendre de nos pairs…comme disait l’un de mes professeurs de cinéma : voir des films pour « aiguiser son regard »
Je ne conçois pas qu’un cameraman de cinéma ou de télévision, ou un vidéaste avec son appareil photo numérique, ne soit pas un minimum cinéphile, qu’il n’ait pas quelques références, des films ou cinéastes clés qui lui ont apporté une vision, un regard, des exemples, qui lui ont ouvert des horizons. Pourtant, à ma grande surprise j’en ai croisé dans ma vie professionnelle. Toujours avec perplexité.
Donc, pour conclure, si vous vous vous intéressez au cinéma, si ne deviez voir qu’un seul film sur le cinéma dans votre vie, pour comprendre comment se déroule un tournage de cinéma, ce serait vraiment celui-là !
Beauté magique de Jacqueline Bisset, caprices de Valentina Cortese, débuts de Nathalie Baye au cinéma dans un rôle ( fictif) de scripte ou encore humilité de David Markham, qui joue le médecin marié à Julie ( Jacqueline Bisset), La Nuit Américaine , expression cinématographique qui, au passage signifie tourner de jour une scène sensée se passer de nuit( à l’aide d’ effets spéciaux ou de filtres ) obtint l’ Oscar du meilleur film étranger en 1973.
Si vous n’avez jamais vu ce film, voyez-le sans tarder !
Et faites-moi vos retours sur le film ou sur cet article dans les commentaires ! 🙂
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